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« L’aspect créatif des nouvelles spiritualités est porteur d’émancipation, mais n’échappe pas toujours à une logique néolibérale »

[Marc Bonomelli est journaliste indépendant, spécialisé dans l’étude du fait religieux et des nouvelles spiritualités. Auteur des Nouvelles Routes du soi. En immersion chez les nouveaux spirituels (Arkhê, 2022), il analyse dans une chronique mensuelle la spiritualité foisonnante de notre époque et la manière dont elle se réinvente. Des « néodruides » aux « souls surfers », ces nouvelles « routes du soi » semblent traverser tous les domaines, de la santé à la politique, en passant par le numérique, le développement personnel et, bien sûr, les religions.]
« C’est un péché de ne pas créer », m’a récemment lâché Fidel (le prénom a été modifié), un artiste plasticien vivant en banlieue parisienne, qui conçoit son travail de sculpture non seulement comme une méditation en mouvement mais aussi, et surtout, comme un moyen d’incarner dans la matière des puissances spirituelles cachées.
Cette affirmation, caractéristique de la pensée de nombreux « nouveaux spirituels », m’a fait penser à une autre scène à laquelle j’ai assisté en novembre dernier au milieu du bois de Beneficio, une vallée alternative inspirée de la culture des rainbow gatherings (rassemblements hippies), dans la région de Grenade, en Espagne. « C’est l’esprit qui vivifie, il faut que ça sorte de toi », reprochait alors l’un des occupants de la vallée, Marc-Olivier (il ne nous a pas confié son nom de famille), à un jeune guitariste prisonnier, selon lui, de la technique et du solfège, bloquant l’accès à son génie créatif spontané.
En fait, créativité et spiritualité sont pour beaucoup tellement associées que mettre ces mots côte à côte relèverait du « pléonasme ». C’est en tout cas l’avis de Virginie Brune, spécialiste d’ecstatic dance, une forme de danse libre visant à se « reconnecter à soi et aux autres ». Cette professeure de yoga a écrit un ouvrage qu’elle fait circuler sur les réseaux sociaux en format PDF : Les Fondements d’une nature artistique authentique et abondante. Parmi les « fondements » énoncés, on retrouve ainsi un vocabulaire où l’artistique confine au religieux : désir d’expression, passion, unicité, incarnation…
Selon la sociologue Courtney Bender, qui a mené ses recherches auprès de personnes se définissant comme SBNR (spiritual but not religious, « spirituel mais non religieux »), aux Etats-Unis, presque tous considèrent comme évident le lien entre la spiritualité, l’inspiration et l’expérience artistique et créative.
« En créant de la musique, de la littérature ou des œuvres d’art, les nouveaux spirituels donnent une forme extérieure à leur unicité intérieure, résume le sociologue Galen Watts dans The Spiritual Turn. The Religion of the Heart and the Making of Romantic Liberal Modernity (Oxford, 2022). Pour eux, l’art est un moyen de découvrir qui ils sont vraiment et de l’exprimer ».
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