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Comment les plantes choisissent de faire des feuilles ou des fleurs

Faire une fleur ou faire une feuille ? Drôle de dilemme, pour une plante. Mais dilemme vital. C’est grâce à leurs fleurs, en particulier, que la plupart des végétaux actuels peuvent se reproduire. Pour autant, « la floraison est un processus coûteux en énergie », explique Christian Fankhauser, qui dirige le centre de génomique intégrative de l’université de Lausanne (Suisse). La plante doit donc choisir avec soin le moment où elle déploiera ses frêles corolles.
C’est un dilemme, aussi, car c’est à partir du même « foyer » de cellules végétales qu’un beau jour un bourgeon surgira, et qu’une feuille percera ou une fleur s’ouvrira. Ce foyer, c’est le « méristème apical », une petite masse bombée qui coiffe le sommet des pousses.
Comment se joue le destin de ces cellules végétales non spécialisées (« cellules souches ») ? On le sait, la longueur du jour (« photopériode ») et le rythme des saisons sont déterminants. Mais comment agissent-ils et comment la plante détecte-t-elle ces signaux ? Les rouages de l’horlogerie moléculaire qui déclenche la floraison, ce petit miracle, sont connus depuis plus de vingt ans. Ceux qui font grandir une feuille, étonnamment, restaient nimbés de mystère.
C’est ce minutieux processus qu’une équipe américaine a reconstitué dans la revue Science du 9 février. Où il apparaît que « si la croissance des feuilles, comme l’éclosion des fleurs, dépend de la photopériode, les deux processus sont contrôlés par des systèmes différents », résume Christian Fankhauser.
Observons d’abord l’éclosion d’une fleur. Sous la délicate féerie, une minuscule armée de l’ombre est à l’œuvre. Chaque jour, la plante fabrique, selon un rythme circadien, une protéine nommée « Constans », sous l’action du gène CO. Cette protéine, qui s’accumule au fil du jour dans les feuilles, sera le déclencheur de la floraison… à condition que la saison soit propice. Les feuilles, par ailleurs, sont équipées de deux capteurs de lumières de faible intensité : des photorécepteurs sensibles à la lumière rouge (« phytochromes ») et d’autres sensibles à la lumière bleue (« cryptochromes »), ce qui leur permet d’évaluer la longueur du jour.
Prenons une espèce végétale qui fleurit au printemps. A l’automne, quand les jours raccourcissent, la plante ne détecte plus assez de lumière en soirée. La protéine Constans, très instable, est alors dégradée par des enzymes spécialisées : la floraison est bloquée. Mais au printemps, quand les jours rallongent, les feuilles regorgent de cette protéine en soirée, au moment même où elles détectent de faibles luminosités. Leurs photorécepteurs, activés, inhibent les enzymes qui jusque-là détruisaient Constans… et l’engrenage floral est enclenché. Préservée, Constans induit la fabrication d’une autre protéine, le florigène FT (Flowering Locus T), qui migre alors, à travers la sève, jusqu’au méristème. Là, il reprogramme les gènes des cellules indifférenciées… éveillant ainsi le bourgeon floral. Pour compléter le tableau, ajoutons que pour fleurir au printemps, certaines plantes ont aussi besoin de subir une exposition au froid hivernal – un phénomène épigénétique nommé « vernalisation ».
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